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Cession de fonds et droit de la société en formation

Cession de fonds et droit de la société en formation

Publié le : 30/01/2024 30 janvier janv. 01 2024

Une société en formation caractérise en réalité la période qui sépare la décision prise par les associés de créer une société et l’immatriculation de cette dernière, permettant de lui conférer la personnalité juridique.

Jusqu’à sa constitution officielle, une société peut être emmenée à réaliser des actes, justement nécessaires pour permettre sa création et un début d’activité, à l’instar de la conclusion d’un bail.

Durant la période de formation, les actes doivent alors être conclus "au nom » ou « pour le compte » de la société en formation" avec indication du nom de la société et de son futur siège social, sous peine d’être sinon conclu au nom de la personne qui l’a passé, et d’engager sa responsabilité.


Par une décision du 29 novembre 2023, la Cour de cassation a revue sa copie concernant l’application de sa jurisprudence en matière de légalité des actes conclus au nom et pour le compte d’une société, avant immatriculation. 

Dans cette affaire, une société en cours formation avait conclu une cession de parts sociales pour laquelle le cédant avait finalement refusé de signer l’acte, engendrant la saisine, par la société, du Tribunal pour que soit ordonnée l’exécution forcée de la promesse.

Il est fait droit à la demande de la société en appel, ce que conteste le cessionnaire, au motif que l’acte conclu par une société en cours d’immatriculation, et partant dépourvue de personnalité morale, est nul de nullité absolue, insusceptible de confirmation ou ratification.

Mais la Cour de cassation ne fait pas plus droit à sa demande et confirme la validité de l’acte de cession.

Sa décision est rendue dans un premier temps aux visa des articles L 210-6 et R 210-6 du Code de commerce lesquels, comme le rappelle la Haute juridiction, disposent que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés, que les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, et que ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.

Dans un second temps, la Cour rappelle qu’il est de jurisprudence constante de considérer que ne sont susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation, que les engagements expressément souscrits « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation, et que sont nuls les actes passés « par » la société, même s’il ressort des mentions de l’acte ou des circonstances que l’intention des parties était que l’acte soit accompli en son nom ou pour son compte (Cass. com 13/11/2013 n°12-26.158, cass. com 10/03/2021, n°19-15.618, cass. com 19/01/2022, n°20-13.719).

Destinée à attirer l’attention de la personne qui contracte au nom et pour le compte de la société qu’elle s’engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits, la chambre commerciale considère que cette jurisprudence peut avoir des effets indésirables, et être parfois utilisée par des personnes qui souhaiteraient se soustraire à leurs engagements, fragilisant par conséquent les entreprises lors de leur démarrage sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toujours apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui, en cas d’annulation de l’acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur.

Aussi, la Cour de cassation juge en l’espèce que « l’exigence selon laquelle l’acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu’il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits ».

Un revirement de jurisprudence, grâce auquel la Haute juridiction reconnaît un pouvoir pour le juge, d’apprécier la régularité des actes conclus, leur accordant par conséquent de valider un acte don la rédaction est imprécise.


Référence de l’arrêt : Cass. com du 29 novembre 2023, n°22-21.623
 

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